EFFET DE SERRE
ET RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE PLANÉTAIRE

PAGE 7

COP 21

 


Pourquoi «le sujet le plus important du monde» ne fait presque jamais la une des newsmagazines français

 

Par Jean-David Roubach


Bastamag.net - 15/9/15 - Le réchauffement climatique est considéré par plusieurs médias internationaux comme « le sujet le plus important du monde ». Sauf en France, où les grands hebdomadaires ne lui ont pas consacré une seule couverture depuis cinq ans. Et la dernière une d’un grand hebdo en la matière plaçait sous les projecteurs le climatosceptique Claude Allègre ! Retour sur une décennie de non traitement médiatique par les trois grands newsmagazines français : L’Obs, L’Express et Le Point. Un bilan pas vraiment reluisant.

La population française sait-elle en quoi consiste l’effet de serre, cause du réchauffement climatique ? Pas vraiment si l’on en croit l’enquête menée chaque année par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sur « les représentations sociales de l’effet de serre et du réchauffement climatique ». Les trois quarts des répondants (72%) estiment bien que « le réchauffement de la planète est causé par les activités humaines ». Mais seul un sur six (15%) associe précisément l’effet de serre à l’émission de gaz et de CO2 (les autres réponses évoquent la chaleur, la couche d’ozone ou la pollution en général) [1].

85 % des répondants n’identifient donc pas spontanément le lien entre CO2 et effet de serre. Pourquoi le dérèglement climatique, probablement le plus grand défi auquel l’humanité entière devra répondre au cours du siècle, soit l’objet d’une telle ignorance ? Pourquoi le grand public est-il aussi mal informé ? La faute n’en reviendrait-elle pas aux médias ?

La dernière Une climat : c’était il y a cinq ans

Chaque Français lit en moyenne environ cinq magazines, dans leur période de parution. Un rapide parcours des derniers numéros que les grands hebdomadaires généralistes ont consacrés à la crise climatique devrait donc nous livrer des éléments de réponse… Problème : les unes sur le climat sont aussi rares qu’un numéro collector de La Gueule ouverte, l’un des premiers journaux écologistes créés dans les années 70. La dernière couverture que L’Obs a consenti au sujet remonte à six ans, au moment de la conférence des Nations Unies sur le climat à Copenhague.

L’Express fait pire encore, puisque le dernier dossier publié sur la question du climat date de... 2007. Pour l’occasion, l’hebdomadaire avait dérogé à sa maquette habituelle de façon à ne pas offrir plus d’un tiers de sa couverture à son engagement à sauver la planète. Le Point fait-il mieux. Le magazine a mis le réchauffement climatique à sa une en 2010, mais c’était pour longuement mettre en avant les falsifications « climato-sceptiques » de Claude Allègre, dont le portrait ornait la couverture !

L’Express du 6 octobre 2007, Le Nouvel Obs du 3 décembre 2009, Le Point du 22 avril 2010. Ces trois titres représentent alors une diffusion d’environ 1,5 million d’exemplaires

Paris accueillera dans deux mois la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques. Mais depuis plus de cinq ans, cette question n’est pas jugée suffisamment importante pour être traitée en une des trois grands hebdos. Sauf à se tourner vers les nouveaux sites d’information qui consacrent bien davantage de place à l’écologie, et dont Basta ! fait partie, les lecteurs des magazines sont laissés dans une relative ignorance. Ce silence en occulte un autre, car depuis la fin des années 1990, ces « news » se font volontiers le relais de discours niant la réalité du réchauffement climatique et son origine anthropique. Ces positions, qualifiées flatteusement de « climato-sceptiques », ont ainsi acquis une légitimité auprès du grand public alors même qu’elles étaient pleinement disqualifiées au sein de la communauté scientifique.

Complaisance envers les « climato-sceptique »

Les effets de la « polémique de l’année » dont Le Point du 22 avril 2010 fait la promotion en offrant neuf pages à Claude Allègre et presque autant de portraits photographiques, sont impressionnants. Cette année-là, seuls 51 % des sondés de l’Ademe ont connaissance du consensus scientifique établissant le lien entre l’augmentation de l’effet de serre et le réchauffement de l’atmosphère terrestre. Au cours des cinq années précédentes, cette proportion était pourtant stable à hauteur de 70 % (lire aussi notre enquête).

L’engouement médiatique pour les discours « climato-sceptiques » déborde largement vers la presse « social-démocrate » : Le Nouvel Observateur du 3 décembre 2009 qui, bien que placé sous le patronage de Daniel Cohn-Bendit, publie un article hallucinant de trois pages intitulé : « l’Église de Sciencécologie ». On y apprend que « l’écologie est devenue la nouvelle religion », celle « des Khmers verts et des talibios, des bonimenteurs et des climastrologues », «prophètes du réchauffement climatique [qui] nous promettent l’apocalypse». Face à eux, tout «pourfendeur de l’écologiquement correct» est condamné comme « hérétique »… L’inquisition écolo règne.

Quand L’Express était en pointe

Ce peu de cas donné à un problème mondial n’a pourtant pas toujours été la règle. L’alerte sur les effets des gaz à effet de serre est ancienne. L’Express, s’il n’avait pas entre temps ouvert ses colonnes à Claude Allègre pendant des années, pourrait s’enorgueillir d’avoir été le premier magazine d’actualité à consacrer sa couverture au changement climatique. En février 1979, alors que la première Conférence mondiale sur le climat se réunissait à Genève sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement, de l’Organisation météorologique mondiale, de l’UNESCO, de l’OMS et de la FAO, la couverture du journal annonçait : « Pourquoi le climat change ».

Le dossier abordait déjà longuement le lien alors supposé entre émissions de gaz à effet de serre et réchauffement planétaire. Deux courbes anticipaient de façon remarquable les évolutions de la concentration de CO2 atmosphérique et de la température au sol jusqu’en 2050. Un climatologue américain y avait ces mots terribles : « Si l’on attend d’avoir des certitudes sur les effets de la combustion des énergies fossiles et des autres polluants, il sera trop tard (…). Car il faut de une à deux générations pour s’orienter vers de nouvelles sources d’énergies. Et le mal, à ce moment-là, sera déjà fait. »

Couverture de L’Express du 3 février 1979 et projections de taux de CO2 et de températures publiées dans le dossier

On peut sans doute excuser que les premières théories scientifiques prévoyant une augmentation mondiale de la température due aux émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère, formulées en 1896 par le prix Nobel suédois Svante Arrhenius, n’aient pas suscitées d’initiative politique visant à juguler ces émissions. Mais comment admettre que 36 ans après l’irruption de la crise climatique et son origine anthropique dans la sphère publique, les émissions de gaz à effet de serre aient augmenté de plus de 60 % ?

Engagement d’un côté, greenwashing et dépolitisation de l’autre

Le 6 mars dernier, Alan Rusbridger, directeur du quotidien britannique The Guardian, explique dans un éditorial qu’il a pris conscience des graves insuffisances de son journal quant à sa couverture du changement climatique. Bien que ce soit le sujet le plus important au monde – « the biggest story in the world » selon la formule du Guardian – Rusbridger observe que la presse est incapable de lui accorder la place qui aurait dû lui revenir. Ces derniers mois, plusieurs numéros du Guardian sont parus enveloppés d’une page de garde entièrement consacrée à l’urgence climatique.

The Guardian du 17 mars 2015 : « Voici les compagnies pétrolières, gazières et minières qui polluent le plus au monde. Les aidez-vous à se financer ? »

Celle qui accompagne le numéro du 17 mars est particulièrement courageuse : elle rassemble les logos de plusieurs dizaines des plus grosses multinationales des secteurs du charbon, du pétrole et du gaz et invite le lecteur à désinvestir de ces sociétés. Un engagement salutaire, quand on sait que moins d’une centaine de multinationales portent à elles seules la responsabilité de deux tiers des émissions cumulées de gaz à effet de serre depuis le début de la révolution industrielle – et donc qu’elles sont les principales responsables du changement climatique.

Bien loin de l’engagement éditorial du Guardian, à chaque fois que les hebdomadaires français ont publié un dossier consacré au climat, ils ont permis à des géants de la pollution d’y intercaler des pages de publicités vantant leurs « innovations » et autres « initiatives » en faveur de la planète. Si ce greenwashing est possible, s’il ne choque pas le lecteur, c’est parce que les contenus éditoriaux contribuent eux-mêmes largement à dépolitiser les enjeux liés au changement climatique.

À la lecture des grands newsmagazines français, on peut difficilement comprendre que les pays du Sud sont de loin ceux qui subiront – et subissent déjà – les plus graves effets du dérèglement climatique alors que les pays du Nord sont ceux qui en sont très largement à l’origine. La couverture du Nouvel Observateur du 7 juillet 2005, en proclamant contre toute évidence que « la France sera la plus touchée » par le réchauffement de la planète, allait particulièrement loin dans l’indécence. En général, il est plutôt reprocheé à la presse de présenter la question du climat comme un défi auquel « l’humanité toute entière » est confrontée : le choix d’un tel angle ayant pour effet de rendre invisible les inégalités et les rapports de force qui expliquent l’absence de réponse satisfaisante aux enjeux climatiques.

Et demain ?

Alors que la Conférence de Paris sur le climat occupe une place d’importance dans l’agenda gouvernemental, les grands hebdomadaires d’information généraliste y consacreront inévitablement un dossier dans les mois à venir. Ces dossiers seront-ils les seuls de la décennie ? Vulgariseront-ils la science climatique : expliquer l’effet de serre, retracer la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère et décrire le fonctionnement des modèles climatiques ? Rendront-ils compte des risques de rétroactions positives liés à des franchissements de seuils, s’agissant aussi bien de la circulation des courants marins, de la fonte du pergélisol – le sol gelé en permanence – ou de celle des glaces du Groenland ? Compareront-ils les scénarios de laisser-faire et d’action ambitieuse, sur lesquels sont échafaudées les simulations d’évolution du climat ? Décrypteront-ils la notion de « budget carbone », ainsi que celle de « bulle carbone », notions qui révèlent à quel point la sauvegarde du climat ne pourra pas s’affranchir d’une profonde remise en cause du capitalisme.

Révéleront-ils l’injustice révoltante qui accable les populations qui sont déjà parmi les plus vulnérables de planète : elles qui n’ont bénéficié que très tardivement et de manière très inégales du développement industriel vont pourtant en subir les plus terribles conséquences à travers les dérèglements climatiques. Ces communautés, qui s’organisent en un mouvement mondial pour la justice climatique, sont en première ligne de la lutte contre le changement climatique. Ils méritent, à ce titre, le soutien et la reconnaissance de quiconque prend la mesure de l’enjeu. Avant que, d’ici dix ou vingt ans, la photo d’un cadavre d’enfant, réfugié climatique échoué sur une plage, ne vienne réveiller les consciences endormis, et... faire enfin la une des magazines.

Jean-David Roubach

 

Mais où sont donc passés les climato-négationnistes ?

 

Par Sophie Chapelle

 

 


Bastamag.net - 7/9/15 - Ils ne voulaient pas entendre parler de réchauffement climatique, encore moins reconnaître que les activités humaines en sont les principales responsables, malgré le consensus scientifique international. Ils occupaient les plateaux télévisés et les colonnes de médias bienveillants, à l’image d’un omniprésent Claude Allègre. Les climato-sceptiques ont-ils disparu ? Pas vraiment. Ils sont encore très actifs dans les pays anglo-saxons. En France, de nouvelles formes de climatoscepticismes, plus discrètes, font leur apparition, du «climato techno-béat» qui mise tout sur la technologie, au climato-opportuniste qui profite de la menace pour faire des affaires. Le point sur ces nouveaux marchands de doutes.

Climatosceptique : « Douter, sinon du réchauffement climatique, du moins de la responsabilité des activités humaines dans ce phénomène. » C’est en ces termes que les linguistes ont fait entrer les climatosceptiques, aussi appelés climato-négationnistes [1] dans le dictionnaire en 2015. Mais sont-ils toujours actifs en France ? L’une des figures les plus présentes dans les médias en la matière est le géochimiste Claude Allègre. Dans son livre, L’imposture climatique paru en 2010, l’ancien ministre du gouvernement Jospin accuse notamment les climatologues d’avoir « cadenassé les revues scientifiques » à l’aide d’un « système mafieux et totalitaire » pour imposer leurs vues aux contradicteurs. Il admet bien la réalité du réchauffement climatique mais, selon lui, les activités humaines n’y seraient pas pour grand-chose...

Les propos de Claude Allègre l’amènent à être disqualifiés par plus de 600 chercheurs en sciences du climat qui publient un courrier de protestation contre son ouvrage, dans lequel ils relèvent de nombreuses erreurs factuelles et des dénigrements [2]. Aujourd’hui, mis à part le philosophe Luc Ferry toujours prompt à faire la promotion du dernier livre d’Allègre dans les pages du Figaro [3], rares sont les médias qui continuent de lui ouvrir leurs colonnes.

 

Le climatoscepticisme «à l’ancienne» en voie de disparition

A défaut de relais médiatiques, Claude Allègre officie cependant à l’Académie des sciences aux côtés de Vincent Courtillot, géophysicien et climatosceptique revendiqué. Cette instance, qui concourt à la représentation de la science française, doit adopter un avis sur le climat, en prévision de la conférence internationale fin novembre à Paris (COP21). Or, comme le relate Le Monde, la nouvelle charte de l’expertise de l’Académie prévoit qu’en cas de désaccord au sein d’un groupe de travail, un avis minoritaire – comme celui de Vincent Courtillot qui jette le doute sur la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique et met en avant l’influence du Soleil – peut être annexé à l’avis majoritaire [4]. Une telle annexe ferait très mauvaise figure auprès de la communauté internationale lors de la COP21...

« Depuis le sommet de Rio de 1992, il y a dans le milieu scientifique et dans certaines disciplines, des gens qui sont hostiles à l’environnement, analyse Amy Dahan, directrice de recherche émérite au CNRS [5], contactée par Basta !. L’environnementalisme est perçu comme un frein à la science, comme rétrograde et contraire à l’idée de progrès scientifique et technique. Si les climatosceptiques affichés et explicites sont en petit nombre, l’environnementaliste clive le milieu scientifique de façon forte en France, mais aussi aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe. »

Le climatoscepticisme, une spécialité anglo-saxonne

En France le climatoscepticisme demeure plutôt le fait d’individus isolés. Au contraire des États-Unis et d’autres pays anglosaxons où il existe une nébuleuse de groupes d’influence et de think tank contestant l’existence du réchauffement climatique. Ces groupes sont très proches du parti républicain. Ainsi, 53% des républicains élus à la chambre et 70% de leurs sénateurs sont climatosceptiques [6]. A chaque campagne électorale, ces candidats climatosceptiques sont allègrement financés par de grandes entreprises privées, y compris françaises (lire notre enquête lors de la campagne présidentielle de 2012).

Début mai, de l’autre côté du Pacifique, Maurice Newman, un proche conseiller du Premier ministre australien Tony Abbott, affirme que le réchauffement climatique est une invention défendue par les Nations unies pour créer un nouvel ordre mondial (...) opposé au capitalisme et à la liberté [7]. Le Premier ministre Tony Abbott (parti libéral) est lui-même un « climato-sceptique » notoire, ayant qualifié le lien entre activité humaine et réchauffement climatique de « connerie absolue ». « J’observe que plus on monte en responsabilités et en âge – le point culminant étant le chef d’entreprise de 60 ans ou le parlementaire – plus ce climatoscepticisme est clairement exprimé », note Valérie Masson Delmotte, paléoclimatologue et membre du Giec [8], contactée par Basta !.

En réponse aux climatosceptiques, qui refusent de transformer une économie mondiale reposant sur la consommation de combustibles fossiles, la dynamique des mouvements appelant citoyens, gouvernements et entreprises à prendre leur responsabilité, monte en puissance. Emblématique, le quotidien britannique The Guardian a lancé depuis janvier 2015 la campagne « keep it in the ground » (laissez les [combustibles] dans le sol) en multipliant notamment les enquêtes sur les financeurs de ces think tank climatosceptiques. Le quotidien a aussi choisi d’appuyer le mouvement de désinvestissement auquel participent quelque 220 institutions à travers le monde. Détenant un total de plus de 50 milliards de dollars d’actifs (44 milliards d’euros) selon l’ONG 350.org, l’ensemble de ces acteurs s’engagent à se défaire de leurs participations dans les énergies fossiles.

Le climato-techno-béat

Difficile aujourd’hui de nier frontalement le changement climatique et la contribution principale de l’activité humaine. Les citoyens français seraient de moins en moins nombreux à être climatosceptiques et à nier le rôle des activités humaines. [9]. «En revanche, le champ du climatosepticisme s’est déplacé, relate Pablo Servigne, chercheur indépendant, co-auteur de Comment tout peut s’effondrer (notre entretien). On n’est plus face à des gens qui dénient le réchauffement climatique mais face à des personnes qui pensent que la technologie va nous sauver.»

Très médiatisée, Maud Fontenoy, ex-navigatrice ayant intégré la commission exécutive du parti Les Républicains en tant que déléguée à l’environnement, en est une illustration parfaite. Elle se dit « viscéralement engagée sur la protection de l’environnement depuis plus de quinze ans », tout en défendant pêle-mêle le diesel, le nucléaire, les OGM et le gaz de schiste. Un grand écart totalement assumé par celle qui annonce promouvoir une écologie « réaliste et modérée ».

Dans la préface de son dernier livre Les raisons d’y croire, elle remercie d’ailleurs de nombreux grands patrons, parmi lesquels le président du Medef Pierre Gattaz, l’ancien PDG de TF1 Patrick Le Lay, le président du groupe Avril (anciennement Sofiprotéol) Xavier Beulin (également président de la FNSEA), mais aussi Vincent Bolloré, dont le groupe fait partie de la trentaine de soutiens de la Fondation Maud Fontenoy [10]. Tous promeuvent d’une manière ou d’une autre la croissance verte et les nouvelles technologies – à l’image des véhicules électriques encouragés par la loi sur la transition énergétique portée par Ségolène Royal (notre décryptage). « Les mythes sont toujours plus forts que les faits, analyse Pablo Servigne. Notre mythe, c’est la croissance infinie, la techno-science qui domine la nature. » De la recherche de techniques de manipulation du climat à grande échelle – la géo-ingénierie – à la construction des grands barrages amazoniens, « le climato-techno-béat » pense que les nouvelles technologies sont en mesure de répondre aux problèmes posés par les précédentes, oubliant que les ressources nécessaires à leur essor sont limitées.

Le climato-washing

Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, a récemment rendu public la liste des sponsors de la COP 21. Y figurent notamment deux firmes, Engie (ex GDF Suez) et EDF. Comme le souligne le contre-rapport de notre Observatoire des multinationales, Engie s’affiche volontiers comme un champion de la transition énergétique. Pourtant, seuls 4 % de la production d’énergie du groupe sont issus de sources renouvelables. Le reste provient du gaz, du charbon – qui émet 30 % de plus de CO2 que le gaz naturel –, du nucléaire et des grands barrages, érigés notamment en Amazonie brésilienne avec des impacts sociaux et environnementaux désastreux. Même cas de figure pour EDF qui n’a rien, ou presque, mis en œuvre pour augmenter ses capacités de production en matière d’énergies renouvelables. Face au climato-washing des industriels, les politiques continuent de nier, non pas le réchauffement climatique en tant que tel, mais les conséquences à en tirer.

Même cas de figure au sein des dirigeants de l’Union européenne. 94 % des rendez-vous du commissaire européen au climat, Miguel Arias Cañete, depuis sa prise de fonction il y a six mois, se sont tenus avec des lobbyistes du business, représentant les secteurs du fossile [11]. Pour le vice-président à l’énergie, Maroš Šefčovič, ce chiffre atteint les 70 % [12].

« La manière dont l’Union européenne agira les cinq prochaines années aux niveaux international et régional sera déterminante pour décider si nous évitons un changement climatique catastrophique, interpelle Pascoe Sabido, chargé de campagne pour l’Observatoire européen des entreprises (CEO). Mais Cañete & co sont trop proches de l’industrie des fossiles pour arrêter de foncer tête baissée dans un désastre climatique ». Comme l’a déjà souligné Basta !, Miguel Arias Cañete a présidé jusqu’en 2012 une compagnie pétrolière domiciliée dans un paradis fiscal et dont il est toujours actionnaire. Il est aussi critiqué par les écologistes espagnols pour avoir autorisé l’extraction de gaz de schiste et la fracturation hydraulique.

Le climato-opportuniste

Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, le martèle : elle a la volonté de ne pas faire de l’écologie punitive. En creux se dessinent des motivations électorales. « Le climat n’est pas dans l’agenda des priorités des gens qui ont d’autres préoccupations plus immédiates, comme l’emploi, ils se disent que le changement climatique est loin, observe Amy Dahan. Or, cette extrême variété de l’appréciation du risque climatique existe de façon très large et c’est bien ça le problème sociétal ! A Copenhague déjà, les chefs d’États qui étaient sensés sauver le climat s’adressaient à une opinion publique dont ils savaient qu’elle n’était pas prête à des sacrifices extraordinaires pour le climat. Il y a bien sûr la responsabilité des politiques, mais aussi la maturité insuffisante de l’état de l’opinion publique mondiale, en particulier dans les sociétés développées. »

La croissance verte est ainsi devenue le nouvel adage des gouvernements. Et les lobbies industriels ont bien décidé de profiter du discours «vert». Ils seraient de moins en moins nombreux à contrer le discours du réchauffement climatique, selon Sylvain Laurens, maitre de conférence à l’EHESS. « L’enjeu pour les entreprises, explique ce chercheur spécialiste des lobbys patronaux européens à Basta !, n’est plus de s’opposer fondamentalement aux normes environnementales mais de miser sur ces normes pour qu’elles pénalisent la concurrence. Elles vont par exemple faire en sorte que les normes de production de plastique sur le marché européen soient relevées pour écarter les entreprises chinoises. » Une conversion « écologique » accompagne ainsi la stratégie économique des groupes industriels pour disqualifier les concurrents. « Partout où des niches se créent, où l’on peut retourner l’argument écologique contre la concurrence, les grands groupes reconnaissent le problème écologique. » Un véritable climato-opportunisme est en marche.

Le climato-je-m’en-foutisme

Il y a également ceux qui n’affichent aucune position sur un sujet qui aura pourtant des conséquences graves sur les citoyens. « Dans leur déclaration politique, certains partis ne parlent pas de changement climatique : c’est le Front national. Je le comprends donc comme climatosceptique non revendiqué », estime Valérie Masson Delmotte. La vision climatosceptique du FN se traduit par l’abstention ou l’opposition quasi-systématique des conseillers régionaux frontistes sur les délibérations concernant les questions environnementales, comme le montre notre enquête. En février 2012, le groupe FN en Nord-Pas-de-Calais a par exemple voté contre une évaluation de la lutte contre le changement climatique.

« Plus on va aller vers la possibilité d’un accord contraignant lors de la COP21, plus le climatosceptiscisme va s’exprimer fortement, craint Valérie Masson Delmotte. Je redoute un scénario comme en 2009, au sommet de Copenhague, où il y avait eu ce climategate, avec cette volonté de trainer dans la boue les gens du Giec. »

En novembre 2009, des hackers divulguent la correspondance privée de plusieurs climatologues, dont certains collaborent à l’élaboration des rapports du Giec. Certains perçoivent dans ces échanges la preuve des manipulations de données. Nature, une revue scientifique de référence, estime alors cette affaire « risible » : « Rien dans ces mails ne remet en cause le fait scientifique que le réchauffement est réel ». En vain, le « climategate » embrase la blogosphère. Mais, pour l’instant, à trois mois de la COP21, et face aux engagements encore « assez mous » selon la climatologue, l’indifférence semble pour l’instant primer chez les climatosceptiques, anciens comme nouveaux.

Sophie Chapelle
(@Sophie_Chapelle sur twitter)

Illustrations : © Rodho / voir son blog

Notes
[1] Lire notre précédente enquête : Comment reconnaître un climatosceptique, en sept contrevérités
[2] Voir ici et là
[3] Voir ici
[4] Lire ici
[5] Amy Dahan est co-auteure avec Stefan Aykut de Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales (Ed. Presses de Sciences Po, 2015)
[6] Source : Center for American Progress
[7] Voir la tribune de Maurice Newman parue dans The Australian
[8] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, mis en place par l’Onu.
[9] Selon un sondage réalisé par l’institut Ipsos entre le 19 et le 26 janvier 2015, auprès d’un échantillon de 995 personnes, pour le compte de l’agence Havas-Parisi, 80 % des sondés pensent que le changement climatique est « dû en grande partie à l’activité humaine », 20 % considérant qu’il est « dû en grande partie à des facteurs naturels » (contre 35 % en 2013). Source
[10] Parmi les autres soutiens de la Maud Fontenoy Fondation : la Fondation EDF, la Fondation Orange, la SNCF, Geodis...
[11] Voir ici (en anglais)
[12] Voir ici

 

 

 

Le nucléaire ne sauvera pas le climat !

 

Le prochain sommet sur le climat (COP21) aura lieu à Paris à la fin de l’année.

Les défenseurs du nucléaire comptent en profiter pour le présenter comme une solution au changement climatique. Ne les laissons pas faire !

 

 

Voir : http://www.sortirdunucleaire.org/Infographie-Le-nucleaire-ne-sauvera-pas-le-climat?origine_sujet=COP201509

 

COP 21

LA MOBILISATION CITOYENNE POUR LE CLIMAT DOIT VIVRE !



Après les attentats, des mesures d’urgence ont été prises pour garantir la sécurité. Si cela peut paraître temporairement nécessaire, le verrouillage systématique de toute mobilisation liée à la Conférence sur le climat pose problème.

La COP21 ne sera jamais un plein succès sans participation de la société civile. Le mouvement citoyen pour le climat ne peut être sacrifié sur l’autel du tout sécuritaire.

Alors que de nombreuses manifestations commerciales et sportives seront maintenues, il semble que l’ensemble des initiatives citoyennes liées à la question climatique soient empêchées, en Ile-de-France comme partout ailleurs en France.

Alors que la démocratie et les libertés doivent être plus que jamais défendues, les écologistes demandent que tout soit fait pour garantir la liberté d’expression et la possibilité pour les collectifs de citoyens engagés dans la défense de l’environnement et de la planète de faire valoir leurs revendications.



Emmanuelle Cosse
Secrétaire nationale d’EELV

 

Source : la lettre Europe écologie les Verts, 26/11/201 - Facebook : https://www.facebook.com/e.ecologie?_rdr=p

 

 

Climat : 5% de chances d'atteindre les objectifs fixés par l'accord de Paris

Et les chances d’atteindre l’objectif de 1,5°C, contenu dans l’accord de Paris, ne sont que d’1 %…


20 Minutes avec AFP - 1/8/2017 - Des scientifiques américains ont estimé la production future et les émissions de carbone dues à l’utilisation d’énergies fossiles qu’entraîne la hausse de la population.
Selon eux, il y a peu de chances d’atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris.

Il y a 5 % de chances de limiter le réchauffement climatique à 2°C, l’objectif fixé par l’accord de Paris scellé par la communauté internationale en 2015, selon des chercheurs. Les chances d’atteindre l’objectif de 1,5°C, également contenu dans l’accord, ne sont que d’1 %, estiment-ils dans une étude parue lundi dans la revue Nature Climate Change.

Une équipe de scientifiques basée aux Etats-Unis a utilisé des projections de croissance de la population pour estimer la production future et les émissions de carbone dues à l’utilisation d’énergies fossiles qu’elle entraîne. Sur la base de ces données, « l’augmentation de la température est probablement de 2°C à 4,9° C, avec une valeur médiane de 3,2°C et 5 % de chances qu’elle soit inférieure à 2°C », écrivent les chercheurs.

Leurs calculs ne sont pas basés sur le pire scénario, avec une consommation d’énergie toujours aussi intense, mais intègrent des efforts pour limiter l’utilisation des énergies fossiles, précisent-ils. Ils ne prévoient pas en revanche la possibilité d’un basculement massif et soudain vers les énergies renouvelables. « Atteindre l’objectif d’un réchauffement inférieur à 1,5°C suppose que l’intensité en carbone baisse bien plus vite que dans le passé récent », relèvent les chercheurs.

Un ojectif difficile à atteindre

Dans l’accord de Paris, la communauté internationale s’est engagée à limiter la hausse de la température mondiale « bien en deçà de 2°C » et à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5°C », par rapport au niveau d’avant la Révolution industrielle afin d’éviter les conséquences dévastatrices du changement climatique (sécheresses, hausse du niveau des océans, tempêtes…). Les experts ont averti depuis longtemps que même l’objectif des 2°C serait difficile à atteindre.

Le Giec, le groupe d’experts internationaux dont les travaux font référence sur le climat, recommande de réduire de 40 à 70 % les émissions de gaz à effet de serre provenant des énergies fossiles d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de 2010. L’accord de Paris est moins précis, ses signataires se fixant pour objectif que les émissions atteignent leur pic « dès que possible ».
Selon les Nations unies, la population mondiale va grimper d’environ 7,5 milliards de personnes actuellement à 11,2 milliards d’ici à 2100, augmentant encore la pression sur les ressources énergétiques.

 

 



Accueil

 

 

ACCUEIL ÉCOLOGIE