Rémi Fraisse (DR)
PORTRAIT DE RÉMI
Libération - 28-10-14 - Le jeune étudiant tué samedi soir n’avait jamais pris part à un tel rassemblement militant auparavant. Pascal Barbier, élu de l’opposition municipale de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) où le jeune homme résidait, n’en sait guère plus : «Tout ce que j’ai de lui, ce sont des photos où il est au milieu de la nature en train de rigoler avec des copains. Il pouvait être très effacé.»«Je ne savais pas grand-chose de lui», décline, par téléphone, Paul, un de ses voisins de banc à l’université. Une couleur domine toutefois le portrait à trous que laisse Rémi Fraisse : son calme. «Il venait très rarement aux réunions. Adhérent depuis un an, les militants ne le connaissent pourtant pas», raconte ainsi l’animatrice de Nature Midi-Pyrénées. Plantes rares. Si le projet de protéger la Terre est un projet collectif, Rémi Fraisse pensait l’alimenter par des recherches menées en solitaire, «sur le terrain, non pas à travers des discussions dans des réunions à n’en plus finir, reprend l’animatrice. Tout dans son attitude traduisait son extrême gentillesse, il semblait fuir toute polémique.» L’objet des recherches du jeune homme, son sujet d’étude : le recensement et la protection des plantes rares menacées par l’hyper-urbanisation dans la région toulousaine. Une fois ces plantes repérées, il s’agissait pour lui de convaincre les propriétaires des lieux de les sauvegarder. Une amie à lui a pu passer quelques dimanches après-midi sur les bords du lac de Plaisance-du-Touch. Elle rapporte aujourd’hui à ses parents que leurs conversations consistaient pour l’essentiel à «refaire le monde, mais autrement qu’avec des centres commerciaux partout et sans productivisme en agriculture». «Ce garçon était un non-violent convaincu», reprend l’élu écologiste Pascal Barbier. Non-violent, mais plus par philosophie que par militantisme ou engagement dans l’action publique. Rémi a d’ailleurs laissé son père Jean-Pierre, militant de la Nouvelle Donne de Larrouturou, se présenter, et se faire élire, quoique dans l’opposition, derrière l’écologiste Pascal Barbier aux élections municipales. La bataille politique était tellement peu à son goût qu’il en aurait ignoré, selon son père, que cette bataille-là n’est pas toujours des plus tendres. «La raison lui indiquant qu’il fallait protéger la zone humide du Testet, il est resté à l’affrontement samedi soir, sans casque et les mains nues, dit-il. Il n’avait pas cette expérience…» «Ecolo de base». Petit Prince botaniste égaré dans la fureur du monde et de ses bombes lacrymogènes. L’un des derniers à l’avoir croisé est un «militant pacifiste» qui dit s’appeler Dadou. C’était samedi après-midi. «On a discuté une demi-heure ensemble. C’était la première fois qu’il venait sur une ZAD [acronyme de Zone à défendre pour les militants pro-environnement, ndlr]. Il se renseignait sur l’organisation du lieu. Il a dit qu’il n’était jamais allé sur un "front". Il disait s’intéresser aux utopies et aux villages autogérés» Dimanche, à l’heure où l’information a circulé selon laquelle il y a avait eu un mort à Sivens, le monde toulousain de l’écologie a encombré les voies d’Internet et du téléphone. «Il s’agissait de savoir qui manquait à l’appel», raconte l’élu régional EE-LV Gérard Onesta. Ce n’est que dans la soirée que l’information lui est arrivée sur son portable, parce que Rémi n’était pas dans un réseau ou groupe d’amis qui aurait tout de suite donné l’alerte. Il s’est promené tout seul parmi les 2 000 manifestants de la journée sans rien dire ni entreprendre quelque chose qui aurait pu le faire remarquer. «Il était là en touriste, en écolo de base comme France Nature Environnement en recense tant», développe l’élu EE-LV, accablé. «J’avais averti la présidence du conseil général du Tarn que son entêtement à passer en force et poursuivre ses travaux de barrage pouvait entraîner des morts», rage-t-il de ne pas avoir été entendu. Rémi Fraisse, 21 ans, y a laissé la vie. Ses parents ont porté plainte mardi pour «homicide volontaire». Gilbert LAVAL TOULOUSE, de notre correspondant. et Jean-Manuel ESCARNOT |
La famille de Rémi Fraisse en appelle à Hollande pour faire la lumière sur sa mort
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Mort de Rémi Fraisse : de nouvelles manifestations contre la répression policière
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Rémi Fraisse : pas de «faute professionnelle» des gendarmes, selon l'enquête administrative !Le Monde.fr avec AFP - 2.12.2014 - L'enquête administrative confiée à l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), après la mort fin octobre du manifestant Rémi Fraisse à Sivens, a conclu, mardi 2 décembre, qu'aucune «faute professionnelle» n'avait été commise par les gendarmes [sic]. Les premières grenades lacrymogènes sont lancées à 0 h 49. Au total, les gendarmes tireront cette nuit-là 237 grenades lacrymogènes, 41 balles de défense (LBD), 38 grenades F4 (mixtes lacrymogènes-effet de souffle) et lanceront 23 grenades offensives (effet de souffle).
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Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du TESTET |
Le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet a été créé en 2011 pour protéger la dernière zone humide d’importance du bassin versant du Tescou (Nord-Ouest du Tarn) menacée de destruction par le projet de barrage de Sivens. Ce barrage, présenté comme d'intérêt général, est en fait destiné à 70% pour l’irrigation intensive d'une vingtaine de fermes et pour 30% au soutien d'étiage (dilution des pollutions). C'est un projet inadapté, dont le coût environnemental et financier est très élevé, au profit de pratiques agricoles qui sont une impasse pour les agriculteurs comme pour la société dans son ensemble. Agissons ensemble pour obtenir enfin des pratiques agricoles qui économisent l'eau et respectent les zones humides ! Rôle des zones humides |
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Pour en savoir plus, voir Wikipedia
Le barrage de Sivens est un projet controversé de barrage sur le cours du Tescou, un affluent du Tarn dans le bassin de la Garonne. Ce projet, dont la première version date de 1969, créerait un lac de barrage permettant la constitution d'une réserve d'eau d'un volume de 1,5 million de m3 utilisable notamment pour l'irrigation de terres agricoles et le contrôle de l'étiage du Tescou. L'impact du projet de retenue réside dans la submersion de 12 hectares d'une zone humide. Les mesures compensatoires prévoient d'en restaurer une superficie totale de 19,5 hectares. Le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie demande un rapport d'évaluation du projet en septembre 2014. Au cours de la manifestation du 26 octobre, Rémi Fraisse, un opposant au projet, est tué par une grenade lors d'affrontements entre les forces antiémeutes et un groupe de manifestants. Après cette mort, le projet est suspendu et des manifestations en hommage à Rémi Fraisse et «contre les violences policières» se déroulent. |
Des centaines de personnes ont rendu hommage à Rémi Fraisse, mort il y a un an, sur le site du barrage de Sivens, le 25 octobre 2015. - REMY GABALDA / AFP
Un an après la mort de Rémi Fraisse,des centaines de personnes lui rendent hommage
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